Docteur Jean Philippe LABREZE                                                                   Alleins, le 03/02/2006

Collectif des médecins et des citoyens contre

Les traitements dégradants de la psychiatrie                                                   

122 avenue du 14 Juillet 1789

13980 ALLEINS

Tel : 07 87 66 41 15                                                                                      Professeur SICARD

                                                                                                                      Président du C.C. N.E

                                                                                                                      7 Rue Saint Georges

                                                                                                                      75009 PARIS

 

 

 

 

Monsieur le Président et cher confrère,

 

 

Prolongeant nos précédents entretiens, je me permets de revenir vers vous afin de vous faire part de mes vives inquiétudes.

 

J’ai, il y a quelques semaines de cela, pris contact avec le Professeur BELOUCIF afin de savoir s’il avait pu contacter le Professeur BREGGIN. Sauf erreur de ma part, il me semble avoir compris à l’époque que le groupe de travail sur la sismothérapie s’interrogeait sur la meilleures façon de recueillir le point de vue de notre confrère américain, psychiatre et expert près les tribunaux, dont la compétence ne peut être niée. Son témoignage aurait pu être particulièrement édifiant et aurait pu éclairer la réflexion du groupe de travail sous un angle différent.

 

Ayant récemment repris contact avec le Professeur BREGGIN afin de savoir si la collaboration avec le groupe de travail avait été positive, j’ai appris que personne n’avait pris contact avec lui. Je me suis alors à nouveau tourné vers le Professeur BELOUCIF  pour en comprendre les raisons.

 

Ce dernier m’a alors clairement indiqué qu’il n’était plus question d’entendre le Professeur BREGGIN. Il m’a rappelé les conclusions de nos confrères psychiatres et anesthésistes, conclusions qui, bien entendu, valident totalement le principe de la sismothérapie. Comment d’ailleurs ceux qui utilisent cette méthode et la promeuvent largement pourraient-ils se désavouer en reconnaissant explicitement qu’elle ne marche pas et qu’elle n’a jamais permis à quiconque de retrouver sa santé d’esprit et son équilibre ? Cette aveu est pourtant implicite puisque les psychiatres qui ont recours à la sismothérapie préconisent des séances d’entretien, reconnaissant par là même qu’une fois la confusion post-critique résolue, les patients se retrouvent confrontés aux mêmes problèmes et replongent inexorablement dans leurs difficultés, leur mal de vivre, leur détresse ou, autrement dit, dans leur « dépression ».

 

Vous aviez vous-même, lorsque nous sommes rencontrés dans le cadre du colloque sur les neurosciences, réagi très positivement à ma proposition de faire intervenir le Professeur BREGGIN. Cette réaction positive me semblait d’ailleurs répondre à un profond souci d’objectivité et de rigueur de votre part, en donnant aux deux « parties » en présence, la possibilité de défendre leurs points de vue. Vous aviez également évoqué l’hypothèse de l’audition de patients auxquels auraient été administrés des électrochocs.

 

Si ma compréhension de la situation est exacte, il semble que le groupe de travail ait décidé de ne pas solliciter le point de vue du Pr BREGGIN, courant ainsi le risque de fonder ses conclusions sur l’avis de différents intervenants, tous tenants de la psychiatrie biologique et défenseurs des méthodes mises en cause par le Collectif.

 

Professeur, le philosophe SANTAYANA disait que ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre. Nos sociétés sont-elles condamnées à revivre sans fin des tragédies similaires, se demandant toujours après coup comment elles ont pu se faire piéger à nouveau ?

 

Les psychiatres se sont trompés de nombreuses fois et ils ont malheureusement, parfois, entraîné derrière eux l’ensemble de la communauté scientifique et médicale. Faut-il rappeler le prix NOBEL d’Egaz MONIZ en 1949 venu récompenser le développement de la lobotomie ? Faut-il rappeler également les chocs au cardiazole, les chocs insuliniques ou bien encore les électrochocs administrés à des centaines de milliers de patients, infligeant à près de 30% d’entre eux des fractures des membres, du rachis ou des mâchoires ?

 

L’anesthésie et la curarisation préalable mises en œuvre aujourd’hui ont certes considérablement réduit ces risques fracturaires mais elles n’ont en aucune façon diminué les lésions cérébrales imputables à cette méthode !

 

Je m’efforce de ne jamais oublier le passé et je puisse dans ce devoir de mémoire l’énergie qui m’anime pour dénoncer, avec un grand nombre de confrères, de scientifiques et de membres d’autres professions, des méthodes que nous considérons comme indignes de notre médecine et éviter que d’infortunés patients ne payent de leur santé l’incapacité de certains psychiatres à se remettre en cause et repenser leurs méthodes.

 

J’ai rencontré en 17 ans d’exercice de la médecine, de nombreuses personnes ayant reçu des électrochocs. Mon intime conviction est que ces gens non seulement n’ont pas été aidés mais se sont vus infliger un préjudice considérable. Des années après avoir reçu ces électrochocs, pratiquement chacune de ces personnes était bouleversée en se remémorant les séances.  Je pense à cette mère de cinq enfants qui, à l’issue de sa cinquième grossesse et alors qu’elle éprouvait quelques difficultés à retrouver son entrain s’est vue administrer une dizaine d’électrochocs. Plus de 10 ans après les faits, elle ne conduit toujours pas, garde d’importants troubles mnésiques et ne peut entendre une porte se fermer sans sursauter. A-t-elle été aidée ?

 

Je pense également à cette patiente, ancienne aide-soignante rencontrée au hasard d’une garde et qui, épuisée par le temps qu’elle accordait aux patients auprès desquels elle s’investissait probablement plus que de raison, s’est vue diagnostiquée dépressive et a du subir plusieurs séances d’électrochocs. Près de 20 ans après les faits, elle pleurait en évoquant ces souvenirs et je pouvais également lire la peur sur son visage. A-t-elle été aidée ?

 

Professeur, le législateur a souhaité donner aux patients la possibilité de se déterminer en toute connaissance de cause et, partant, de pouvoir refuser tout « traitement » pour lequel la balance bénéfices/risques serait nettement en défaveur dudit traitement (articles 1110-5 et 1111-2 du code de la santé publique). Cela suppose bien entendu qu’une information loyale leur soit préalablement délivrée. Or je réaffirme ici que les documents qui sont remis aux patients susceptibles de recevoir des électrochocs ou à leurs familles contiennent des informations fausses et que ces contre-vérités et omissions constituent un abus de confiance de nature à conduire les patients et leurs familles à prendre des décisions hautement préjudiciables.

 

Le groupe de travail sur la sismothérapie peut corriger cette situation intolérable. Nous nous devons de saisir cette formidable opportunité. Nous le devons aux patients.

 

Confiant dans votre volonté de faire prévaloir la rigueur scientifique et l’éthique, je me tourne à nouveau vers vous, au nom des membres du Collectif, afin d’acquérir la certitude que le groupe de travail se mettra dans les conditions nécessaires à l’appréhension de la vérité.

 

Restant à votre disposition, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes très respectueuses salutations.

 

 

 

 

                                                                                  Docteur Jean Philippe LABREZE

 

 

Annexe :

 

Article 1110-5 du code de la santé publique : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées . Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales de la science, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ».

 

Article 1111-2. « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles ou sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».

 

 

L’information suivante ne figurait pas dans le courrier adressé au Professeur SICARD. Si vous souhaitez lire un remarquable document de synthèse concernant l’électrochoc je vous invite à vous rendre à l’adresse suivante : www.actionautonomie.qc.ca/parechocs/pdf/dernargumen.pdf